Notre village préféré, ayant depuis plusieurs siècles le privilège de posséder un nom prestigieux, mérite une attention toute particulière.
En effet, le nom d’André découle d’un adjectif signifiant l’Homme, le « costaud ». À ce titre, il est reconnu comme étant un des premiers compagnons de Jésus, le frère de Pierre, l’ami de Jean-Baptiste, celui qui s’occupait de la logistique à l’occasion des rassemblements de la population, comme le jour de la « Multiplication des Pains ».
Il faut dire aussi que le pêcheur du lac de Tibériade fut un voyageur exceptionnel qui évangélisa une grande partie du monde ancien, notamment les contrées du nord de l’Europe telles que la Russie, la Germanie, l’Écosse. Actuellement encore, le drapeau de la marine russe ressemble au nôtre. D’autre part, la légende voulant qu’en pure modestie, il fût martyrisé sur un gibet en forme de croix en X et non en +, nous permet de le reconnaître dans tous les moindres dessins de « Piéta » ou autres tableaux évangéliques.
Un autre privilège peut être mis en avant : celui du nombre de lieux de culte, nombre indépendant de la taille de l’endroit. Ainsi donc, une petite paroisse de quelques foyers peut s’enorgueillir d’un grand nombre d’édifices ; ce qui est le cas de notre village. Par conséquent, profitant de la merveilleuse restauration de Notre-Dame de Paris ainsi que celle en cours à St André, l’idée m’est venue de raconter l’histoire des trois lieux de culte qui sont encore sujets de prière à notre époque.
Le titre : Saint-André-les-trois-églises pourrait rivaliser avec Colombey-les-Deux-Églises, lieu bien plus connu, bien sûr !

La vieille église du château
Bâtiment ancien aménagé, lieu de résidence des seigneurs de Saint-André, famille de grande noblesse apparentée aux Ducs de Savoie. Il fut en même temps le lieu de culte des habitants de la vallée de la Banquière. C’est un très bel ensemble, restauré par le Comte Gaspart Thaon de Revel, avec l’aide de la famille Van Loo. Le bâtiment est composé d’un autel très riche de style baroque ainsi que d’un immense tableau représentant Saint André devant le château.
Cette œuvre d’art, classée dans les réserves des Monuments Historiques, mériterait, pour son niveau artistique, une activité plus adaptée. Il faut savoir que, jusqu’à la dernière guerre, elle fut le lieu de rassemblement de tous les paroissiens de la commune, qu’il s’agisse des messes, des fêtes votives ou autres manifestations religieuses.
C’est à l’illustre famille originaire de Lantosque que l’on doit l’agrandissement de la forteresse primitive, dont les vestiges peuvent être observés dans la partie du bâtiment orientée à l’est. Le Château-Église est mentionné pour la première fois en 1624, année où Jules Thaon, chanoine archidiacre de la cathédrale de Nice, fait donation à son neveu Charles-Antoine de sa part d’héritage maternel.
Au XVIIIe siècle, de nouveaux agrandissements sont effectués, reliant le corps principal par une galerie donnant naissance, au centre, à un vaste salon de réception. À cette occasion, une reprise complète du décor est réalisée avec l’exécution de remarquables peintures à fresques et stucs qui font encore aujourd’hui la gloire de cette demeure.
En 1812, le Château-Église est vendu par la famille Thaon sans que la mairie du lieu ne s’y intéresse. Il devient propriété de l’hospice Saint-Paul, puis des Compagnons d’Emmaüs.
Au débouché des gorges qu’empruntait le Paillon avant de se développer dans la campagne niçoise, le château de Saint-André dresse encore ses murailles sur un rocher dominant le village du même nom. Il est certain que, dès le Moyen Âge, cet emplacement devait avoir une position importante, alors qu’il appartenait à la puissante famille des Chabaud de Tourette.

L’église-chapelle de l’Abadie
Une seule exception géographique concerne le hameau de l’Abadie, lieu éloigné du centre du village, bénéficiant d’une indépendance très ancienne.
Relativement petit mais très joli dans son cadre agreste, le bâtiment, dans les premiers siècles, était propriété de l’énorme abbaye de Saint-Pons. Au temps du Moyen Âge, elle fut cédée aux oléiculteurs de la colline d’où elle tient son nom en niçois : « l’Abadie ».
La caractéristique de cette construction est de se trouver, sur la colline, en pleine nature, au milieu des oliviers, un peu comme au Jardin des Oliviers à Jérusalem. D’autre part, complètement à l’écart de la vie urbaine, sa gestion toute particulière est organisée par les familles d’agriculteurs locaux, groupées en association indépendante du clergé local, avec des prieurs élus. D’un point de vue artistique, cette petite chapelle est adorable, nichée au milieu des rameaux d’olivier.

La nouvelle église de Saint-André
Dans les années 1950, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les situations changent brutalement dans notre village. À cette époque, Saint-André évolue. Le bourg agricole, endormi dans ses collines, commence à se réveiller en s’orientant vers deux directions :
- L’extraction de calcaire en carrière,
- La construction de logements sociaux pour héberger les nombreuses familles arrivant des régions voisines, en particulier du Piémont.
L’importance de l’entreprise Spada ainsi que l’arrivée de toute une activité industrielle fuyant le centre de Nice provoquent un changement considérable, surtout dans la partie basse du bourg qui, petit à petit, prend l’allure d’un centre commercial.
À ce moment-là, on se rend compte que les équipements sociaux ont du mal à satisfaire les besoins des nouveaux habitants. On demande des commerces, des transports, des logements, des écoles, des tabacs… Les activités sociales se déplacent vers le bas.
Il ne subsiste plus dans le haut quartier que quelques bistrots et l’ancienne église… même pas, puisque le besoin d’avoir dans le centre un cimetière et un lieu de culte augmente.
Après avoir essayé de construire une petite chapelle dans le cimetière, la volonté de déplacer l’église se fait vraiment sentir. À tel point que le conseil municipal traite avec le propriétaire d’un vieil immeuble près du tabac pour y installer, sur deux étages, une salle de catéchisme et un petit lieu de culte. Ne resteront plus à l’église du château que les cérémonies officielles : mariages, communions, obsèques, dont les transports de corps posaient un problème de distance.
Bien entendu, le départ du curé Louis Liprandi, résistant de premier ordre, favorise l’arrivée d’un ecclésiastique plus jeune, décidé à faire enfin changer les choses. Cependant, à la sortie de la guerre, la situation financière de l’Église ne permet pas un projet de grande envergure.
Le Père Clovis Véran, nouveau desservant, malgré sa bonne volonté, ne parvient pas à maîtriser le projet. Découragé, l’Évêque se charge de trouver un prêtre capable de reprendre en main le dossier technique si délicat.
Ainsi, dans les années 60, est nommé le Père Dressler, Suisse, spécialiste de la relance des constructions de lieux de culte. À Saint-André, le projet est énorme, car si la décision de construire une nouvelle église est acceptée par beaucoup d’habitants, tout reste à faire. Il faut d’abord trouver un lieu central, assez grand et facile à aménager. Un terrain de bonne taille se trouve au carrefour du chemin départemental et du chemin du Souvenir, conduisant au cimetière. L’intérêt de ce choix, outre l’emplacement, est la possibilité de traiter avec le propriétaire, M. Félix Colomas, qui, face au défi, ne manquera pas d’aider, d’abord pour l’acquisition, ensuite pour la construction.

Le terrain choisi par le prêtre, en accord avec le maire, semble correspondre aux souhaits du plus grand nombre. C’est donc un grand terrain qui permettra d’évoluer en plusieurs étapes : la première étant la construction, en sous-sol, d’un volume important capable de recevoir divers événements ; ensuite, la salle principale au rez-de-chaussée.
Les dispositions mises en place et le projet grandement accepté, il reste la partie la plus importante de l’ouvrage : trouver les financements. Et c’est là que le nouveau curé fait preuve d’une incroyable énergie. Une association est créée. Un notable, M. Jacques Ardoin, Président du Tribunal de Commerce de Nice et Saint-Andréen respecté, apporte son appui. D’autres personnalités locales acceptent d’aider, comme l’entrepreneur Jean Spada, le député-maire de Nice M. Médecin, ou encore l’hôpital psychiatrique Sainte-Marie, propriétaire foncier à Saint-André, qui met à disposition l’excellent architecte M. Biocchini.
Le chantier peut évoluer dans le temps : de 1956, date du premier coup de pioche, jusqu’à la peinture de la façade, plusieurs années s’écoulent. N’oublions aucun donateur, comme Nanda Ghio, sacristain et camionneur à la carrière Bonifassi de Falicon, qui, le dimanche, n’hésitait pas entre deux messes à venir livrer quelques mètres cubes de sable.
Voilà l’histoire d’un village qui, malgré les lourdes difficultés, a su évoluer grâce aux efforts de tous les habitants. L’église s’embellit avec le temps : une série de 12 vitraux racontant le Chemin de Croix, une série de peintures offertes par un artiste local, une fresque représentant les pêcheurs de Tibériade présentés à Jésus par Pierre et André. Le carrelage intérieur est taillé dans le calcaire local, offert par un ouvrier. Un jeu d’orgue a été récupéré par des jeunes du village dans un bâtiment en ruine au sud de Paris. Et enfin, un des plus beaux carillons du sud de la France, offert par une congrégation suisse.
En remerciement, le Père Dressler fut autorisé à faire ériger un cénotaphe en son souvenir dans le bâtiment qu’il avait si grandement bâti.
Il ne reste plus qu’à s’asseoir sur les bancs de bois de l’église nouvelle pour prier, ce que nous ne manquerons pas de faire.
Honoré Colomas,
Maire Honoraire de Saint-André de la Roche
